Et si l’innovation bio-inspirée était le futur de la technologie

Le 16 avril dernier se déroulait le 15ème Colloque Ile de Science Paris-Saclay sur l’innovation bio-inspirée à l’EDF Lab. L’occasion d’écouter de nombreux chercheurs, scientifiques mais aussi des industriels venus témoigner des enjeux des travaux de recherche et des applications concrètes sur le sujet dans leur secteur d’activité. 

Une introduction de Pascal BRIOIST, historien spécialiste de Léonard de Vinci, qui nous rappelle  que ce dernier fut un des pionniers du biomimetisme ou plus précisément de la bio-inspiration, considérant l’imitation comme obstacle à l’innovation. Et de rappeler une citation de Leonard de Vinci comme un message intemporel ayant une résonance forte en ce début de XXIème siècle.

Scrute la nature, c’est là qu’est ton futur.

De l’observation de la phytosynthèse naturelle, aux solutions pour transporter les fluides, résister à la pression ou la gravité développés par les systèmes vivants ou encore l’ondulation des anguilles qui inspire la production d’énergie, la nature recèle des trésors d’inspiration, riche de 4 milliards d’année d’expérience. Une mine d’or pour ces chercheurs de solutions moins énergivores que nombre de technologies modernes. Car quelqu’ils soient, il y a un appel unanime à innover autrement car le champs de contraintes est différent et nouveau. Les ressources sur lesquelles sont basées le développement de notre société ne sont pas inépuisables et nous allons devoir nous affranchir de nombre de processus que nous connaissons actuellement.

Julie Grollier, Directeur de la recherche au CNRS / Thales Lab France explique comment il va falloir s’inspirer du cerveau humain pour construire des puces électroniques plus puissantes et moins consommatrices d’énergie. Car des algorithmes, tel que le programme de go, consomment aujourd’hui mille fois plus d’énergie que notre cerveau composé de neurones et synapses capables de calculs sans transfert d’informations et avec une efficacité énergétique remarquable. Une délicate équation à résoudre. A vos neurones ! 

Rappelons-nous également les récents travaux de Guillaume Pitron qui a mis en lumière la face cachée de la révolution numérique. Panneaux solaires, batteries, voitures autonomes, smartphones… : tous ces outils sont composés de métaux rares, dont l’extraction est extrêmement polluante. Un seul de nos smartphones nécessite l’extraction de 60 kg de matière, raffinée et acheminée à l’endroit de sa transformation. Le simple fait d’extraire ces métaux en grande quantité a un coût environnemental colossal, qui ne semble pas être pris en compte dans l’évaluation des bénéfices de l’innovation.

Un colloque très éclairant avec des discours encore très scientifiques et des expérimentations qui n’ont pas encore totalement fait leur preuve d’une production industrialisable, comme le relève Jérôme Perrin du Groupe Renault. Kalina Raskin, Directrice Générale de CEEBIOS nous confirme cependant que la bio-inspiration s’applique aujourd’hui dans des domaines très divers. L’Europe produit 40% des publications scientifiques sur le sujet et on compte quelques 200 équipes de recherche en France. Le principal enjeu résidant dans l’appropriation plus large de ces approches par les dirigeants et innovateurs dans les entreprises et collectivités publiques. 

Un fossé perceptible entre les priorités des entreprises aujourd’hui rivées sur la performance et les indicateurs financiers et ces chercheurs convaincus que la nature, qui compte 4 milliards d’années d’évolution, a su trouver des solutions à des contraintes données qui doivent inspirer l’innovation du XXIème siècle.

Dans les faits, les entreprises sont happées par une vague d’innovations technologiques, véritable secousse sismique sociétale, qui appelle la transformation rapide des organisations dans toutes leurs dimensions. L’innovation n’y échappe pas, prenant parfois des allures débridées, prise au piège de l’urgence où la réflexion sur la responsabilité éthique, écologique et sociale semble optionnelle. 

Les acteurs de l’écologie et du numérique ne parlent pas le même vocabulaire. La prise de conscience écologique des acteurs du numérique commence à peine, selon Jacques-François Marchandise, délégué général de la Fing (Fondation internet nouvelle génération) (1).

La bonne nouvelle c’est que le temps est venu du questionnement et du sens du futur que nous sommes tous collectivement en train de bâtir. Les prises de conscience se multiplient sur la nécessité de réconcilier technologie et écologie, business et écologie et en préambule de tout cela l’humain et l’écologie ! Prendre le temps de s’interroger sur sa propre écologie individuelle et son rapport à la nature : n’est-ce pas un premier pas vers la bio-inspiration !

Florence Karras

(1) https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/comment-reconcilier-ecologie-numerique-agenda-fing/

Crédit photo : David Clode / Unplash

Tags: