La raison d’être fait sa rentrée

Pour la première fois en tant que jeune entrepreneure je décidais de participer à la rencontre des entrepreneurs de France (la REF), nouvelle formule de l’université d’été du MEDEF qui se déroulait les 28 et 29 août 2019. Accompagnant les dirigeants dans le développement de leur leadership avec un prisme particulier qui est celui de la re-connexion à la nature, en pleine révolution écologique, j’étais impatiente de prendre le pouls de ces décideurs et de leurs enjeux à ce moment d’état d’urgence systémique dans lequel nous sommes plongés.

Des débats et interventions multiples passionnants d’acteurs économiques, politiques, intellectuels, scientifiques, sur l’état du monde et les sujets d’égalité, de diversité, de justice, de bien commun. pour nourrir la question qui s’impose désormais « Nos futurs, climat, inégalités, conflits…Quel capitalisme demain ? »

Vers un capitalisme éco-responsable

Quelques soient les intervenants et les thématiques abordées, l’appel pour ne pas dire l’injonction au changement est unanime et pressant. Il ne s’agit pas tant des enjeux de la transformation numérique et technologique à peine évoquée, que d’une transformation plus systémique et sociétale. « Le capitalisme doit évoluer vers un capitalisme responsable qui respecte les ressources naturelles et affirme son soucis de justice et d’équité. Le profit est désormais nécessaire mais insuffisant.» nous dira Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances. Et Alain Minc de compléter que « l’actuelle répartition du revenu du capital et du travail est à la fin de son histoire. Ce n’est pas le seul levier du salaire ou de l’intéressement qu’il faut revoir mais celui du partage du capital plus globalement. »

Combattre le capitulisme

Un changement systémique s’impose pour influer sur le récit de notre avenir et celui des générations futures. Virginie Raisson, géo-politologue spécialisée en prospective, mettait en exergue la fracture grandissante entre jeunesse et futur dans une société où tous les jours l’effondrement nous est annoncé comme une fatalité à laquelle on ne saurait échapper. Alors pour ne pas tomber dans ce capitulisme et se connecter à nos meilleurs potentiels d’avenir, nous devons tous agir individuellement et collectivement avec davantage de conscience.  

Quand l’imprévisible règne

Les Etats et leurs dirigeants politiques en premier lieu. Les institutions internationales aujourd’hui datent du XXème siècle et ne fonctionnent plus ou mal face à la mutation de l’axe du monde de l’ouest vers l’est et de la non représentation des pays les plus peuplés. Des instances à refonder totalement à l’aune des nouveaux enjeux environnementaux, géo-politiques mais aussi démographiques. Sans oublier la crise majeure de leadership sur la scène internationale. La 1ère puissance du monde refuse son leadership au profit d’un prisme plus national.  Une opportunité pour l’Europe qu’elle n’est pas en mesure de saisir, elle-même happée par ses propres turpitudes. Des leaders devenus imprévisibles qui redistribuent les cartes de la géo-politique avec tous ses impacts économiques et humains qui en découlent dans une économie globalisée.

Le bien commun est le fait de tous

Dans un tel environnement, les entreprises sont impactées et doivent davantage prendre part aux débats et enjeux de société. De nouveaux partenariats Etat-Entreprises sont à nouer car le bien commun et l’intérêt général ne sont pas le seul sujet de l’Etat. L’entreprise doit intégrer l’intérêt général dans son core-business sur toute la chaîne de valeur. Et de s’abstenir de communiquer si les actions ne sont pas au rendez-vous des engagements sociétaux car le green-washing sera coûteux. Définir et inscrire sa raison d’être dans ses statuts est donc une urgence et sa mise en oeuvre non optionnelle ! 

Enfin les citoyens, consommateurs, salariés que nous sommes devons tous être des colibris car nous avons notre part de ce pouvoir d’action en adoptant des comportements plus responsables. 

Le ton est donné avec des visions réalistes sur les urgences à traiter et des discours plutôt optimistes, les uns les autres appelant à aborder ce contexte global incertain comme une opportunité d’agir autrement. Et chacun de rentrer au bureau et préparer sa rentrée. 

Vers un leadership holistique

De mon point de vue, il manquait un chapitre essentiel sur le leadership dans un tel contexte. Comment préparer les dirigeants à ces changements profonds qu’ils doivent initier et accélérer dans leurs organisations ? Il s’agit maintenant de créer les conditions d’émergence d’un nouveau champ des possibles. Suspendre les schémas du passé dont nous sommes les héritiers et qui ne fonctionnent plus de façon efficiente dans un environnement si imprévisible. 

Les dirigeants vont désormais devoir diriger avec une vision plus holistique car tous les sujets sont interdépendants. Des dirigeants plus que jamais en première ligne face à des responsabilités nouvelles. Et si le modèle est à bout de souffle, l’humain ne l’est-il pas aussi ? Alors dans ce contexte d’urgence, il va falloir initier un nouveau rapport au temps et étonnamment prendre le temps de se transformer soi. Développer son leadership et se (re-)connecter à sa propre source créative comme le décrit Otto Scharmer dans la théorie U. Et espérer faire de la transformation individuelle, le levier du changement collectif. 

De toute évidence, la raison d’être individuelle et collective devrait être au programme de cette rentrée que je vous souhaite audacieuse et inspirante. 

Florence Karras 

Crédit photo: Sushobhan Badhai / Unsplash

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