Et si les managers devenaient des éco-managers

Définitivement plongées dans un monde incertain et complexe qui n’a fait qu’accentuer les fractures économiques, écologiques et sociales, les entreprises n’ont d’autres priorité que celle de renouer rapidement avec la relance économique tout en trouvant ce délicat point d’équilibre entre performance et engagements sociétaux.

Pour relever ces défis, les entreprises vont toutefois devoir porter une attention particulière à leur capital humain et éviter le déni. Car après ce brutal bouleversement de l’organisation et l’installation massive du télétravail, avec son lot d’avantages et d’inconvénients, l’urgence dans les semaines et les mois qui viennent sera la création d’espaces pour la reconstruction du collectif destructuré. C’est à ce seul prix que les entreprises pourront fidéliser et (ré-)embarquer les collaborateurs.

Pour diriger et manager dans ce monde bouleversé, plus technologique et distanciel, l’attention portée à l’humain sera plus exigeante. Le rôle du manager va être déterminant pour accompagner la nécessaire résilience de l’entreprise après ce traumatisme. Les résultats d’une récente étude HeyTeam/HEC Junior Conseil publiée dans Les Echos Exécutives révélait le besoin d’accompagnement des managers dans cette démarche (1). 46% d’entre eux redoutent de ne pas savoir comment engager les collaborateurs à distance et les motiver à revenir sur site.

De la qualité de l’attention portée à l’écologie intérieure des collaborateurs, dépendra l’état d’être du collectif. 

Alors que l’urgence de la relance est dans tous les esprits, le rythme effréné qu’elle sous-entend est dissonant  avec le temps nécessaire et indispensable de l’écoute individuelle des collaborateurs et de la reconstruction du collectif. Les managers ont une partition très stratégique à jouer aux côtés des ressources humaines, celle de ré-enchanter l’expérience collaborateur. Ils vont devoir développer tout leur potentiel d’adaptabilité mais aussi leur capacité d’écoute profonde pour mieux percevoir les signaux faibles dans les équipes. Et il sera déterminant pour l’entreprise de les accompagner dans ce nouveau rôle, que Boris Cyrulnik nomme les « tuteurs de résilience », réducteurs de stress et de tensions dans l’organisation (2). 

Au moment de rassembler physiquement les collaborateurs, les managers seront attendus sur leur capacité à adopter de nouvelles postures et approches. Créer un espace d’expression pour libérer la parole, apaiser le stress émergé ou amplifié pendant ce confinement, évacuer les tensions, les non-dits mais aussi témoigner des retours d’expérience positifs. Un temps indispensable donné à l’expression de l’expérience de chacun pour faire émerger de nouvelles idées et l’envie de poursuivre l’aventure collective. 

Mais ce qui vaut pour les salariés, s’appliquent également aux managers et équipes de direction, tout autant vulnérables et exposés à des situations inédites depuis quelques mois. Frédéric Laloux dans une récente web-conférence disait « on ne peut aller loin dans le NOUS, que quand on va habiter pleinement le JE ».

Cultiver son écologie intérieure pour devenir ces éco-managers ou ces néo-jardiniers du Care dans l’entreprise et ensemencer une croissance résiliante plus verte et apaisée, tel est l’enjeu de court terme des dirigeants et managers. 

Le meilleur terrain pour cultiver son écologie intérieure et celle de ses équipes et trouver des sources nouvelles d’inspiration est la nature. Car la Nature est une partie prenante vivante résiliante dont il n’est plus question dans l’entreprise d’occulter l’existence, l’état, le rôle, nos interdépendances et nos impacts sur elle. La forêt est un théâtre social vivant riche d’enseignements et d’interactions possibles pour s’inspirer, réfléchir, interagir, réparer, travailler sur le collectif, le management, l’innovation, la diversité, le rapport au temps, les cycles, les interdépendances, la résilience, l’humilité… . Les arbres sont à la forêt ce que les collaborateurs sont à l’entreprise. Les analogies entre ces deux écosystèmes vivants sont instructives pour peu que l’on accepte de sortir des standards d’accompagnement et de s’ouvrir à un nouveau champ d’expériences. 

De la diminution du stress au renforcement du système immunitaire, du développement de l’attention à la stimulation de la créativité, du réveil des sens à l’éveil des consciences écologiques, les immersions guidées au coeur de la nature sont des propositions innovantes qui peuvent permettre de changer de regard sur les  enjeux et les solutions à mettre en oeuvre. 

De la réinvention du séminaire au vert, où la nature serait partie prenante, à la création d’éco-lieux d’entreprise qui seraient ces néo-espaces de recherche et d’expérimentation, de ressourcement, d’inspiration, d’innovation au plus proche de la nature. L’expérience nature doit trouver sa place dans une entreprise plus résiliante. Autant d’initiatives apaisantes et vertueuses que les managers vont devoir initier pour une expérience collaborateur équilibrée entre mieux-être, performance et engagement, donnant un vrai visage à la transition écologique dans l’entreprise.

Florence Karras

Crédit photo : Noah Buscher

  1. https://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/ressources-humaines/tele-travail/0603413207044-retour-au-travail-sauver-le-lien-social-l-urgence-n-1-338353.php
  2. https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2020/06/30618-resilience-organisationnelle-apres-le-choc-la-conscience-et-laction/ 
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