COVID-19 – Le syndrome de manque de nature à l’heure du confinement

A l’heure du doublement de notre temps de confinement, et à mi-chemin, coupés de tout lien avec la nature et d’un lien social physique réduit, j’ai eu envie de partager quelques éléments de réflexion sur le syndrome de manque de nature. Une notion développée par Richard Louv dans son best-seller mondial « Last Child in the woods » récemment traduit en français « Une enfance en liberté ». 

Dans la préface de la version française, Muriel Fifils évoque « une urgence sanitaire à laquelle il faut remédier maintenant ». Une autre s’est invitée dans l’intervalle, sanitaire également, et pas totalement déconnectée de la première. Les scientifiques s’accordent à faire le lien de causalité entre les perturbations environnementales occasionnées par l’homme et l’émergence de virus qui franchissent les frontières des espèces, les zoonoses. 

Et si ces deux urgences sanitaires appelaient un même remède de fond : la reconnexion à la nature. 

Ce livre explore la fracture croissante entre les jeunes (et les moins jeunes) et le monde naturel et les implications environnementales, sociales, psychologiques et spirituelles de ce changement. Une nouvelle frontière franchie marquée par une méconnaissance croissante de l’origine de notre nourriture, une démarcation de moins en moins nette entre les machines, les humains et autres animaux, une perception de plus en plus intellectuelle de notre relation aux autres animaux ou encore l’invasion de nos villes par des animaux sauvage (domestication, consommation…).  

Et tandis que le manque de nature s’accroit, de nombreuses études scientifiques, indiquant que l’exposition directe à la nature est essentielle pour la santé physique et émotionnelle, émergent. Pour Edward O. Wilson, fondateur de la notion de biophilie (l’envie de se connecter à d’autres formes de vie), la qualité de l’exposition à la nature affecte notre santé à un niveau quasi-cellulaire. Il soutient que nous avons une affinité innée pour le monde naturel, probablement un besoin biologiquement intégré à notre développement en tant qu’individus. N’oublions pas que depuis que l’homme existe, 99,99% de notre évolution s’est déroulée au contact de la nature. 

A la frontière de la biophilie, se trouve l’écopsychologie mise en avant en 1992 par Theodore Roszak dans son livre The Voice of the Earth. Il développe le fait que la psychologie moderne a créé une dichotomie entre la vie intérieure et la vie extérieure et que nous avons réprimé notre inconscient écologique qui permet de rester connecté à notre évolution sur terre. L’écopsychologie et toutes ses branches naissantes, dont la sylvothérapie, ont alimenté une nouvelle vague de recherches portant sur l’impact de la nature sur la santé physique et émotionnelle des êtres humains.

Alors que savons-nous de l’influence des paysages naturels sauvages et des expériences dans la nature sur le développement humain et sur la santé ? Les poètes et les chamans reconnaissent ce lien depuis des millénaires quand la science a commencé à l’explorer récemment. Peter Kahn dans The Human Relationship with Nature rapporte les résultats de plus d’une centaine d’études confirmant que l’un des plus grands bénéfices apportés par la nature est la réduction du stress en en faisant de fait, une thérapie complémentaire aux médicaments ou thérapies comportementales.

La nature, indispensable pour une sortie du confinement apaisée et porteuse d’espoir.

Ce confinement va faire émerger pour beaucoup des peurs, des doutes, des colères, des douleurs, des deuils, des épreuves à surmonter. Et plus que jamais une quête de sens qui va appeler des réponses rapides. Des maux majeurs comme le stress, déjà installé dans notre société, ne vont qu’être amplifiés. Et pour toutes celles et ceux qui sont en première ligne sur le terrain de ce combat, c’est un état d’épuisement physique et psychologique qu’il faudra gérer. 

Alors pour que cette sortie de confinement, ne se solde pas par un séisme psychologique national, qui pénaliserait non seulement le redressement de notre économie, mais la ré-invention de notre modèle, nous devons anticiper la revitalisation du capital humain. Toutes les organisations privées, publiques, associatives… et chacun.e individuellement vont devoir se ré-inventer et re-créer du lien avec leurs collaborateurs, clients, fournisseurs, entourage car plus rien ne peut désormais s’envisager comme avant. La priorité va être d’écouter, d’apaiser, de donner un espace pour évacuer les maux que ce confinement aura engendré.  Ré-énergiser le capital humain, développer l’ancrage des dirigeants et managers pour ré-inventer les business-models dans un environnement définitivement imprévisible. Re-créer du lien dans les équipes toutes dispersées au mieux en activité totale ou partielle, les fédérer autour d’un avenir porteur de sens… .

Nous devrons faire de ce temps nouveau, une opportunité pour faciliter la reconnexion à la nature, qui est source de bienfaits multiples pour notre santé. Le temps dans la nature ne peut plus être considéré exclusivement comme du temps de loisirs mais un espace de ressourcement (thérapeutique), un lieu d’inspiration, de créativité et un cadre éducatif qui doit s’ouvrir à des univers aussi variés que le médical, les entreprises, le scolaire, les maisons de retraite… .

L’occasion également d’une valorisation des territoires, de nos forêts, et de nos espaces naturels en développant de nouvelles activités et un tourisme de proximité éco-responsable à l’heure d’enjeux écologiques majeurs. 

Florence Karras

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