La sylvotherapie est une invitation à se reconnecter à la nature. Elle se décline en parcours guidés qui visent à rétablir une relation de l’homme avec le règne végétal duquel il s’est profondément éloigné ces dernières décennies. Devenus une espèce urbaine sédentaire techno-stressée coupée de la nature, nous assistons depuis quelques décennies à ce que Robert M Pyle, a qualifié en 1993 d’ « extinction de l’expérience » Homme – Nature (1). Un déficit majeur d’interactions alors même que nous nous sommes construits avec et en symbiose avec cet écosystème vivant. Depuis que l’homme existe, 99,99% de notre évolution s’est déroulée au contact de la nature. Et en quelques décennies, c’est-à-dire rien à l’échelle de notre présence sur Terre, nous avons détruit ce lien inné. Ce déficit de connexions sensorielles et émotionnelles a fait l’objet de nombreuses études qui confirment les effets néfastes sur la santé physique, mentale et sociale et plus globalement le désintérêt envers la nature. Richard Louv, auteur de Last Child in the woods, parle de Nature-Deficit Desorder ou NDD.
Le soin par la forêt
La sylvotherapie, un néologisme composé de deux mots racines (sylva et thérapéia), qui décrit littéralement le soin par la forêt, le bois, les arbres. Si ce mot a fait son apparition récemment, la réalité qu’il recouvre est beaucoup plus ancienne et intuitive. Au début du XXème siècle, en Europe on prescrivait aux malades de tuberculose, d’asthme mais aussi aux personnes souffrant de problèmes psychologiques l’éloignement des environnements pollués urbains et la reconnexion à la nature. La sylvothérapie n’est donc pas une pratique récente.
C’est toutefois récemment et au Japon que cette pratique a pris toute sa dimension thérapeutique. Dans les années 80, face à un mal être grandissant de la population connu sous le nom de karoshi (mort par surmenage au travail), un programme sanitaire national en faveur du bain de forêt est entré en vigueur. Très vite de 2004 à 2012, des études scientifiques ont été menées afin d’identifier et mesurer les effets des bains de forêt sur l’être humain.
Des mesures scientifiques
Les résultats des études conduites au Japon sous la direction du Pr Qing Li (2), et de l’anthropo-biologiste Yoshifumi Miyazaki, ont prouvé que le bain de forêt avait un impact majeur sur notre cerveau. Il permet de diminuer l’anxiété, la dépression, la colère, de réduire le stress, de favoriser un état de détente et de renforcer le système immunitaire. David Strayer, professeur de psychologie à l’université d’Utah aux Etats-Unis a, quant à lui, fait la démonstration de l’amélioration de la créativité de 50% pour des personnes immergées dans la nature. Et les études de sont multipliées ici et là dans le monde.
Des bienfaits multiples
A l’origine de ces bienfaits, de nombreuses molécules et bio-molécules volatiles émises par les arbres comme les phytoncides et terpènes. Ces molécules permettent aux arbres de se protéger des bactéries et champignons ou de communiquer avec leurs congénères ou le monde animal comme nous l’explique si bien Peter Wohlleben dans La vie secrète des arbres. Ces molécules absorbées par les voies olfactives et dans une moindre mesure, cutanées de l’homme, influent directement sur le système nerveux central et la production d’hormones telles la dopamine et la sérotonine.
Les forêts sont aussi des environnements riches d’ions négatifs qui viennent combattre les radicaux libres générés dans nos environnements urbains pollués et responsables de l’oxydation dans notre corps mais aussi du stress.
Un vaste potentiel en émergence
Des résultats incontestables qui rencontrent un écho favorable et un champ d’application de plus en plus vaste dans un contexte d’urbanisation croissante, de modes de vie de plus en plus stressants et aussi d’enjeux écologiques inédits. L’écologie extérieure est en effet indissociable de l’écologie intérieure. La clé de la préservation de la nature et de la biodiversité reste notre connexion à ce monde du vivant. Au Japon, le shinrin-yoku (bain de forêt) a déjà réuni plus de 5 millions d’adeptes et s’est structuré avec des praticiens formés référencés, des forêts labellisées, des établissements d’accueil en milieu forestier. Ici et là dans le monde, en Europe du Nord, aux Etats-Unis, et en France, ces pratiques émergent avec des sensibilités culturelles et dans des domaines aussi variés que le médical, les entreprises, le scolaire, les maisons de retraite… . En 2018, en Norvège des hôpitaux ont ouvert des annexes en lisière de forêt pour aider les patients à guérir plus vite.
L’exigence du professionnalisme
La sylvothérapie est enseignée en France par quelques rares formateurs soucieux d’en garantir le professionnalisme et la crédibilité dans cette phase d’émergence. Elle exige une bonne connaissance du milieu forestier, des arbres et de leurs propriétés mais aussi la capacité à comprendre les besoins des clients pour concevoir des parcours adaptés. Suivant les contextes de l’accompagnement (particulier, groupe) et ce qui est recherché (gestion du stress, prise de recul, troubles du sommeil, passage d’un cap personnel ou professionnel compliqué, convalescence…), les activités ne seront pas les mêmes. Du réveil des sens aux pratiques créatives (mandalas…), récréatives (land art,…) ou parfois énergétiques avec des rencontres/connexions avec certains arbres, la palette des activités sylvatiques est large. Le cliché du câlin aux arbres est donc très caricatural et réducteur de ce qu’est la sylvothérapie ! Certain.e.s praticien.nes mixent ces pratiques avec d’autres compétences pour une approche plus globale ou plus affinitaire auprès de certains publics (particuliers, entreprises, EHPAD, écoles…).
Ces bains de forêt sont aussi l’occasion d’un nouveau regard sur la forêt et les arbres. Ils participent à l’éveil de la conscience écologique individuelle et collective.
Florence Karras
- https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/fee.1225#accessDenialLayout
- Pr Qing Li, Professeur immunologie au Département d’hygiène et de santé publique à l’Université de médecine de Tokyo et auteur du livre « Shinrin Yoku, L’art et la science du bain de forêt ».