Les leçons d’un confinement en quatre saisons

Le monde agonise. Y-a-t-il encore quelque chose qui ne soit pas à terre ? La nature, l’humanité, le travail, notre santé mentale…. A terre, comme ces feuilles mortes qui tombent des branches des arbres et s’amoncellent sur le sol. Ces mêmes feuilles que nous avons vu apparaître au printemps dernier. Barricadés derrières nos écrans et nos fenêtres, nous nous sommes tous émus et émerveillés de ce réveil énergisant de la nature alors même que nous sombrions dans un sordide cauchemar. Jour après jour, nous avons contemplé le débourrement des bourgeons, l’émergence de ces jeunes feuilles, vert tendre, qui chaque jour un peu plus, grandissaient pour parer ces arbres nus de somptueuses tenues qui rayonneraient tout l’été. Privés d’accès à la nature, nous avons (re)découvert et observé avec émotion ce temps de renaissance. Une éclosion de vie et d’énergie après des mois d’hiver. Une mise au point, une mise au pas du rythme de la nature.

Bien que confinés, nous étions portés par cette énergie jaillissante du printemps esquissant l’effervescence de l’été qui s’annonçait. L’énergie du printemps circulait tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de nos imaginaires débridés prêts à tout les défis pour dessiner le monde d’après. Et puis vint le feu de l’été, l’intensité de la liberté retrouvée, même conditionnelle. La chaleur des retrouvailles, les couleurs et odeurs estivales et cette soif insatiable de vivre. Tout feu tout flamme, nous nous sommes laissés aveugler par cette lumière éblouissante capable de nous faire presque oublier l’invincible. Aspirés de nouveau dans ce cycle de la croissance permanente, la tentation était grande de vouloir rattraper le retard accumulé. Retrouver un peu d’avant et d’élan en masquant parfois ces troubles apparus lors du confinement : l’isolement, les tensions ici et là, la perte de repère, les angoisses… . C’était sans compter sur dame Nature et son immuable rythme de croissance.

On ne tire pas sur une fleur pour la faire pousser. On l’arrose et on la regarde grandir … patiemment. Proverbe africain. 

Nous n’avions fait alors que la moitié de son cycle. La nature se conjugue invariablement en 4 temps, quand le notre s’est au fil du temps figé en mode « croissance permanente ». Il nous fallait bien prendre le temps de goûter un peu d’automne. L’automne, à l’énergie plus tempérée, est un temps de récolte des fruits de nos semences et de célébration. Parfois la récolte n’est pas à la hauteur de nos investissements. C’est alors un temps de tri de ce que l’on garde et ce que l’on remet à la terre pour un nouveau processus de transformation. A nouveau confinés, n’est-ce pas une opportunité supplémentaire de faire ce bilan individuel et collectif maintenant pour transformer ce qui doit l’être et faire émerger le monde d’après ? Les feuilles mortes reviennent à la terre enrichir l’humus et continuent de jouer un rôle dans le processus de transformation permanent de la nature. Le cycle de la vie aboutit à la mort et de la mort renaît la vie. Ce que nous avons tous profondément oublié.

Bientôt viendra le temps de dormance où la terre épuisée se met au repos. La mort n’est qu’apparente. Enfouie dans la terre, une force vitale invisible travaille au sein de la graine qui deviendra arbre. Toute forme de vie respecte un cycle immuable : naissance, croissance, maturité, vieillesse, mort et nouvelle naissance. L’hiver, la vie est intérieure. Alors, mettons de la chaleur dans notre monde intérieur, pour préparer au mieux ce temps de renaissance prochain. 

La véritable sagesse consiste à ne pas s’écarter de la nature, mais à mouler notre conduite sur ses lois et son modèle. Sénèque

Florence Karras

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